Parfois, les scientifiques s'intéressent à la culture en prévoyant les vainqueurs des Oscars, en relevant que Le Bon, La Brute et Le Truand est le film préféré des chercheurs pour titrer leurs études, ou que Bob Dylan est le musicien le plus cité par les juges américains.
Une de ces études vient de sortir pour le plus grand bonheur des BDphiles: «Les traumatismes crâniens dans la littérature illustrée: expérience à partir d'une série de plus de 700 blessures crâniennes dans les bande dessinées Astérix.»
Rien que le résumé en est délicieux: pour leur méthode, les chercheurs allemands ont analysé les 34 BD Astérix en examinant le statut neurologique initial et les signaux de traumatismes crâniens des personnages, en corrélant ces données notamment au milieu socio-culturel des victimes et des agresseurs et aux circonstances de l'agression, afin d'«identifier des facteurs de risque spécifiques».
Les chercheurs ont identifié 704 traumatismes crâniens, et notent qu'à 98,8%, ceux-ci résultaient d'agressions.
«Même si plus de la moitié des victimes ont eu un trouble de conscience initial sévère, nous n'avons pas trouvé de cas de mort ou de déficit neurologique permanent.»
Le résumé des résultats note que les Romains constituent le plus grand groupe de personnages blessés, et que les Gaulois ont causé près de 90% des traumatismes. Et souligne:
«Dans 83% des cas, les traumatismes crâniens ont été infligés sous l'influence d'un agent dopant appelé "la potion magique".»
Ils concluent en notant que «la nationalité romaine, la paralysie du nerf hypoglosse [dont le rôle est moteur pour les muscles de la langue], la perte d'un casque, et l'ingestion de la potion magique étaient corrélés de façon significative avec un trouble initial sévère de la conscience».
Un chercheur en sociologie à l'université britannique de Cambridge précise que les scientifiques affirment avoir trouvé «incroyable» qu'aucun des personnages ne souffre d'un trouble permanent, et qu'ils critiquent très sérieusement la BD pour son manque de réalisme...
Ils estiment ainsi qu'Astérix ne traite pas les traumatismes crâniens avec suffisamment de sérieux, et que les enfants pourraient être influencés de façon négative par ce traitement, ce que juge ironiquement le chercheur en sociologie:
«Et voilà que je pensais qu'Astérix était une fantaisie comique et que nous apprenons à nos enfants à être suffisamment intelligents pour faire la part entre les BD et la réalité. Que je suis bête.»
Et de s'inquiéter du précédent créé par cette étude:
«Si les chercheurs se mettent à se préoccuper de l'état physiologique de personnages de bandes dessinées, pourquoi ne pas écrire sur l'obésité morbide d'Obélix ou la sensibilité olfactive de l'énorme nez d'Astérix? Et qu'en est-il des rythmes de mutation génétiques dans Les X-Men? De la mécanique de production de soie dans Spider-Man?»